Il entre sur la pointe des pieds. Ses épaisses chaussures émettent un simple chuintement, étouffé. Et puis il s'arrête. Hausse les épaules, et marche normalement dans la pièce. Il laisse ses Doc' claquer le sol dans un bruit sec, et enfonce ses mains dans ses poches. C'est pas parce qu'il est dans une bibliothèque qu'il doit faire aucun bruit, non ? Et puis il préfère son propre bruit, à celui des autres. Et surtout, il préfère le bruit au silence. Il déteste le silence dans cette maison. Car ce n'en est jamais vraiment un. Il y a toujours cette foutue impression de bruit. Comme si il y a toujours quelqu'un dans les parages. Et c'est particulièrement agaçant. Mais bon. Il suppose que l'on s'y fait. Ou que l'on essaye de s'y faire.

Il se laisse finalement tomber sur un des vieux fauteuils qui peuplent la pièce. Un truc ancien. Un légère nuage de poussière se soulève même légèrement. Et un craquement sinistre retentit. Malgré son poids plume, il craint que le vieux meuble ne cède sous son petit corps. Ce ne serait pas étonnant, après tout, vu l'âge avancé qu'il semblait avoir. Il soupire. Bah, il est confortable, c'est déjà ça. Il bascule sa tête en arrière. Entre ses lèvres entrouvertes, bascule une clope. Ah. Oui. Il a presque oublié pourquoi il est venu. Il soupire, saisit entre ses doigts le cylindre de tabac. Il pleut dehors. Sa mère ne veut pas qu'il fume à l'intérieur. Alors il est venu se cacher ici, c'est tout.

Il sait que personne ne vient jamais ici. Lui concerné, bien sûr. Les livres, il aime ça, mais pas de là à s'enfermer dans une pièce qui en est remplie jusqu'au plafond. Il soupire, et extirpe son zippo de sa poche de son sweat, et allume sa cigarette. La fumée toxique vient se mouvoir sous son minois. L'odeur du tabac vient se mélanger d'une manière étrangement agréable à celle de la poussière des vieux livres. C'est comme si il était dans une autre dimension, une époque différente, un lieu... autre que cette maison, situé ailleurs que cette ville...

Hého, Clarence, tu te perds. Tu te perds dans les méandres de ton esprit. Tu fermes les yeux, somnolent. Et voilà que glisse d'entre tes doigts relâchés ta clope. Tu t'endors. Ta respiration se fait lente. Tu pars, Clarence. Ta cigarette s'écrase au sol, au bout encore légèrement rougeoyant.

Et puis...


« Bouh. »


Un sursaut. Un juron lorsque tu glisses de ton siège.

Il se relève doucement, sur les coudes, le cœur battant la chamade. Il a l'impression que quelqu'un vient de lui parler. De prononcer cette exclamation enfantine usée pour effrayer. « Bouh. » Et puis il secoue la tête. C'est impossible, il est seul. Cela devait faire partie de son « rêve ». Il rattrape sa clope fichue, grogne, et la rejette au loin. Quel imbécile il fait. Il rapporte ses genoux contre son torse, arborant une moue boudeuse, et honteuse. Heureusement qu'il est seul...

Seul ? Attend, non. Il se redresse, tend l'oreille. Serait-ce un bruit humain qui se rapproche ? La solitude est-elle donc impossible dans cette maison ?!


Avec résignation, il élève sa voix encore lente et endormie, après cet assoupissement court.